Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Histoire Géographie, Géopolitique du Monde Contemporain
Histoire Géographie, Géopolitique du Monde Contemporain
Publicité
Histoire Géographie, Géopolitique du Monde Contemporain
  • Espace dédié à mes étudiants (cours, exercices, TD, TP......) Publication des travaux de recherche personnels. Interface dédié à l'Histoire, Géographie, Géopolitique, économie et gestion
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 88 102
Pages
Archives
17 mai 2018

Khôlle de recherche en Géopolitique : travail de Mlle Oumaima BENNANI

La tournée africaine d'Emmanuel Macron : continuité ou rupture ?

Emmanuel Macron se rend le 21 novembre 2017 sur le continent africain pour y effectuer sa première tournée .  Son déplacement débute au Burkina Faso, pour une visite consacrée à la jeunesse, puis le président de la République française_ aussi fondateur du parti politique baptisé EN MARCHE_ se rend au sommet Union Africaine_Union Européenne à Abidjan ,en Côte d'Ivoire, puis enfin au Ghana. Le président Macron entend renouveler les relations entre la France et l'Afrique, ce deuxième continent le plus peuplé et traversé par l'équateur, ce berceau de l’humanité. La tournée africaine de M. Macron a été l'occasion de vérifier à quel point la perception l’emporte sur la réalité. La grande majorité des articles ont rendu compte d'un président sans tabou, bousculant les habitudes et déterminé à ne pas faire comme ses prédécesseurs_ ce qui définit clairement une rupture avec le passé. Pourtant, cette tournée avait bien des similitudes avec celles des deux précédents locataires de l'Élysée_ à savoir  François Hollande et Nicolas Sarkozy_ qui ,comme lui, avaient fait une tournée africaine en début de mandat pour prononcer un discours sur la politique africaine de la France, ce qui pourrait marquer une continuité politico-stratégique. Ceci-dit, Emmanuel Macron est-il parvenu à rompre avec l’histoire postcoloniale, promesse sans cesse renouvelée, pas forcément toujours tenue ?  La France, restructure-t-elle   sa politique africaine ?

  I.            De la « Françafrique » à l' « AfricaFrance »-un relatif désengagement de la France vis-à-vis de l'Afrique :

Devant un public de huit cents étudiants réunis dans un amphithéâtre houleux de l’Université  de Ouagadougou, séduisant, habile, sur un mode parfois didactique_ mais le lieu et l'audience s’y prêtaient_ Emmanuel Macron a abordé le 28 novembre 2017 tous les grands sujets africains : terrorisme, trafic d'êtres humains, changement climatique, l’urbanisation («  l'Afrique sera dans quelques années le continent des mégalopoles »), l'obscurantisme religieux («  une menace bien plus redoutable parfois que le terrorisme, car elle est massive, diffuse, quotidienne, elle s’immisce dans les écoles, dans les foyers, dans les campus, dans la vie politique »), mais surtout la démocratie, définie comme ce combat que les Africains ont mené et gagné.

1.       Une volonté de rupture et une relation décomplexée :

Reprise plusieurs fois devant un public qui n'a que quinze ans de moins que lui, la formule «  je suis de la génération… »  a servi adroitement pour asseoir le propos d'Emmanuel Macron sur la rupture. «  Je suis d’une génération de Français pour qui les crimes de la colonisation européenne sont incontestables et font partie de notre histoire (…). Je suis d’une génération où on ne vient pas dire à l'Afrique ce qu'elle doit faire, quelles sont les règles de l'État de droit, mais [qui] encouragera celles et ceux qui, en Afrique, veulent  prendre leurs responsabilités, veulent faire souffler le vent de la liberté. ».

    Il n'y a donc plus de politique africaine de la France. «  Il y a une politique que nous pouvons conduire, il y a des amis, il y a des gens avec qui on est d'accord, d'autres non. Mais, il y a surtout un continent que nous devons regarder en face »_ propos de M. Macron lors de son discours. On entend clairement dans ce propos la fin de la Françafrique (ou encore de la « France-à-fric » en évoquant au passage le titre de Rockin' Squat) . Cette mort a déjà été annoncée par Nicolas Sarkozy et François Hollande mais, cette fois, avec plus de conviction, probablement parce qu’elle est inspirée par un Conseil présidentiel pour l'Afrique composé pour moitié de jeunes Africains de la nouvelle génération.

2.       Un appel à la responsabilité des Africains :

« Nous n'avons pas de leçon à donner », ce propos de M.Macron adressé aux Africains laisse entrevoir qu'il s'agit de prendre leur affaires en main. Comme de décider de rester dans la Zone franc ou de changer le nom du franc CFA ( Franc de la Communauté Financière Africaine), «  c'est un non-sujet pour la France », a-t-il dit un peu rudement à ceux qui voient dans cet héritage colonial la poursuite d'un dessein pernicieux de la France et de ses entreprises. S’il défend une rupture dans la méthode, Emmanuel Macron n’est toutefois pas revenu sur les grandes lignes  de la politique française au Sahel. La lutte contre le terrorisme djihadiste  demeure, selon lui, « un impératif » et doit être menée à travers le nécessaire déploiement des forces du G5 Sahel.  «  Les solutions ne viendront pas de l'extérieur ». Et lorsqu’une étudiante l’interrogea sur le fait que Paris  privilégie une approche sécuritaire, le chef de l'État lui rétorqua un peu sèchement : « j’aurais préféré vous envoyer nettement moins de soldats…  Mais il faut les applaudir , les soldats français », eu égard à ceux tombés ou blessés  au Mali.

Tout en reconnaissant les positions courageuses du président français en matière de politique extérieure, il est à noter qu'elles demeurent légèrement dissonantes par rapport aux tendances du moment_surtout en Afrique. Or, l’histoire ne fut point oubliée. D'ailleurs, pour la première fois depuis Jacques Chirac, la France a trouvé un intérêt, manifestement sincère, pour la culture africaine, pour le patrimoine, la peinture, la musique, le cinéma et le sport, avec notamment l'annonce du lancement d'une saison culturelle africaine en 2018. Dans le discours signalé tout à l'heure, certaines formules furent joliment tournées, destinées à faire date : « Aujourd’hui, nous_qui renvoie aux Français ainsi qu'aux Africains- sommes orphelins d'un imaginaire commun qui nous enferme dans nos conflits,  parfois dans  nos traumatismes.(…) L'Afrique est tout simplement le continent central, global, incontournable car c'est ici que se télescopent tous les défis contemporains ». C'est en Afrique que se jouera une partie du basculement du monde.(…). C'est cela que je suis venu faire.  Proposer d'inventer une amitié pour agir. Et le ciment de l'amitié, c'est de commencer par tout se dire » ; ce qui laisse échapper une vision de solidarité et probablement de continuité de coopération franco-africaine.

 II.      Afrique /  France :  la fidélité à l'Histoire prend de nouvelles formes :

En conformité avec son annonce de campagne électorale,  le président français Emmanuel Macron fait du continent africain une priorité. Nul n'est besoin de rappeler la longue histoire qui unit la France à l'Afrique, ses pages parfois glorieuses et parfois honteuses, ses bienfaits et ses méfaits. Mais, ce socle historique ne peut être suffisant pour déterminer l'avenir des relations franco-africaines. En  Afrique francophone, la France ne bénéficie plus du monopole stratégique, économique et culturel dont elle disposait auparavant. L'Afrique est entrée  dans la mondialisation et multiplie les  partenariats avec des puissances non-européennes. C'est une opportunité pour les pays africains et un challenge pour la France. A cette dernière de le relever. De son côté, la France ne peut pas se contenter de son  pré-carré francophone et doit également se tourner vers l’Afrique anglophone et lusophone.

1.       la cohésion socio-politico-économique et ses figures paradoxales de façade :

Au sein de la zone sahélienne, où s’est rendu E.Macron,  la véritable bataille à mener_ et à gagner_par la  France et ses partenaires africains est celle de la sécurité et du développement. Ces deux voies ne sont pas antagonistes mais, au contraire, fondamentalement complémentaires. Il faut agir sur les deux fronts  de manière simultanée afin de provoquer un cercle vertueux : une sécurité qui permet le développement, gage   lui-même de sécurité, et non pas se laisser entraîner dans le cercle vicieux de l'insécurité et du sous-développement.

2.       la présence militaire en Afrique :

La France bénéficie d'une présence militaire ancienne de soutien à la sécurité et la stabilité au sein du Sahel et du Sahara, renouvelée après 2013 et l'opération Serval. Lors de sa visite aux troupes  françaises à Gao, E.Macron a déclaré : « J'agirai en Afrique en toute transparence loin des réseaux de connivence ». Il n'y a qu’envers l'Afrique que de tels propos sont régulièrement émis , soit pour les justifier, soit pour les critiquer. Il faut simplement traiter l'Afrique comme les autres pays, dans le même esprit de partenariat aux intérêts réciproques.

3.       Il reste à passer aux actes :

Né d'une génération après les indépendances de 1960, E.Macron doit éviter les discours largement ressassés sur le passé et ceux dépassés  de culpabilisation qui arrangent et déresponsabilisent les élites dirigeantes en Afrique sans régler les problèmes de fond politiques et économiques. Il ne s'agit pas de nier l’Histoire mais de se projeter vers un avenir où chacun assume sa part de responsabilité immédiate et future .

 L'Afrique a besoin de moins d'Etat si cela signifie une bureaucratie étouffante et paralysante, mais plus d’Etat s’il s'agit de mettre en place les infrastructures nécessaires. La consolidation des administrations est indispensable afin d'éviter un retour aux clans et tribus de la période précoloniale.  Les armées des pays africains doivent être non seulement plus professionnelles mais  également plus nationales avec des bases moins ethnico-régionales ou religieuses. En outre, les engagements annoncés par Emmanuel Macron sont nombreux : comme celui sur le patrimoine africain : «  je veux que d'ici cinq ans, les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique » ; comme celui du soutien à l'entrepreneuriat africain (« ce qui peut apporter les quatre-cent-cinquante millions d'emplois dont l'Afrique aura besoin d'ici 2050 »). La France consacrera plus d’un milliard d'euros pour soutenir les PME africaines, avec l'Agence française de développement, la Banque publique d'investissement mais aussi les fonds d'investissements privés français. De plus, on note la  création d'un fonds pour les infrastructures pour investir dans le numérique, les transports et l'agriculture.

En somme, en se rendant  au Mali pour son premier voyage extra-communautaire, Emmanuel Macron n'a pas simplement rappelé que la France était engagée militairement dans les affaires sahélo-sahariennes pour contrer la menace djihadiste. Le message est aussi celui d'une perspective stratégique dans laquelle le prisme sécuritaire est à considérer à l’aune  des enjeux de développement sur le continent. Dans ce cadre, la France a défini les grands axes pour donner un « nouvel élan » à l’antique partenariat avec l'Afrique. Or, après l'Europe et la Méditerranée, le défi africain ne serait-il pas la troisième marche de l'escalier géopolitique que le président de la République Française peut gravir tout au long de ce quinquennat ?

 

CROQUIS

LEGENDE

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité